Assemblee Parlementaire du Conseil de l’Europe
SESSİON ORDİNAİRE DE 2014-Quatr ieme partie-vingt-neuvième séance- Lundi 29 septembre 2014 à 15 heures
Sur le “Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente
Observation de l’élection présidentielle en Turquie (10 août 2014)”
Mme BİLGEHAN (Turquie) – Je voudrais tout d’abord féliciter la présidente et les membres de la commission ad hoc qui ont exercé leurs fonctions avec professionnalisme et courtoisie en Turquie. Le rapport reflète bien leur attitude.
En effet, cette élection revêtait une importance particulière. La tradition en vigueur depuis la fondation de la République de Turquie, qui va très bientôt fêter ses 91 ans, était de faire élire le Président de la République par le Parlement. Pour la première fois, l’élection turque du 10 août a permis aux électeurs de choisir leur Président au suffrage universel direct. Cette particularité donne peut-être au nouveau Président une légitimité moralement renforcée, mais ne lui confère pas de nouvelles compétences ou prérogatives, puisqu’il n’y a pas pour l’instant de nouvelle Constitution. D’ailleurs, la loi sur l’élection présidentielle adoptée en 2012 n’était pas en harmonie avec le reste de la législation, ce qui avait conduit à des ambiguïtés dans la pratique. Finalement, l’élection présidentielle du 10 août s’est déroulée à la turque !
Certes, le jour du scrutin, le vote était considéré comme libre et équitable selon les normes du Conseil de l’Europe. Cinquante-trois millions de turcs ont voté dans une atmosphère calme, sans incident majeur. Cependant, comme la commission ad hoc le souligne dans son rapport, un processus électoral ne peut se résumer au jour du vote.
Les membres de la commission ont parfaitement perçu la grande inégalité existant entre les trois candidats. Le Premier ministre était largement avantagé face à ces rivaux. Le financement de la campagne, l’absence de plafond pour les dépenses, l’utilisation abusive des ressources publiques et des fonctions officielles à des fins électorales, la couverture médiatique de la campagne, tout favorisait le Premier ministre, candidat à la présidence, qui a pu mener sa campagne sans avoir à quitter son poste.
Alors que les médias étaient tenus d’assurer une couverture impartiale et équilibrée, le Premier ministre était omniprésent sur tous les plateaux et le temps d’antenne consacré aux autres candidats reflétait bien cette inégalité. Ce qui est étrange, c’est que le grand favori de l’élection n’a jamais accepté un débat télévisé en direct malgré la demande des autres candidats.
Le droit de vote reconnu pour la première fois aux citoyens turcs résidant à l’étranger était très attendu, mais à cause de difficultés énumérées dans le rapport, la participation est restée très faible, à peine 10 %. Il faut bien sûr ajouter que l’élection s’est déroulée en pleine période de vacances et le taux de participation traditionnellement très élevée en Turquie est le plus bas de ces dernières années.
Finalement, malgré tous ses avantages et la faiblesse de l’opposition, le Premier ministre n’a obtenu que 51,8 % des voix et a remporté de justesse l’élection présidentielle au premier tour. Ce résultat montre une fois de plus que le Président devra faire un grand effort pour devenir le leader de toute une Turquie profondément polarisée.