Session ordinaire de 2014- Trente et unième séance-

Mardi 30 septembre 2014

Sur: “Les droits des femmes et les perspectives de coopération euro-méditerranéenne” (doc 13596)

Mme BİLGEHAN (Turquie) – Je voudrais commencer mon intervention en félicitant notre chère collègue, Mme Saïdi, pour son rapport constructif et optimiste ainsi que le secrétariat pour son travail minutieux.

Il y a trois ans, les femmes avaient joué un rôle considérable lors des soulèvements qui ont conduit au «printemps arabe». Elles s’étaient engagées activement dans les mouvements protestataires, avaient utilisé les réseaux sociaux et même soutenu financièrement la révolte. L’exemple des femmes libyennes qui ont vendu leurs bijoux pour soutenir le coût de la lutte contre le régime est touchant! Pourtant, trois ans après tant de sacrifices, une question cruciale occupe toujours les esprits: les droits des femmes ont-ils depuis reculé ou se sont-ils améliorés dans la région?

Selon le rapport de Mme Saïdi, le bilan est mitigé et la situation varie d’un pays à l’autre. L’exemple de pays comme la Tunisie et le Maroc qui coopèrent étroitement avec le Conseil de l’Europe est prometteur, mais témoigne du long chemin qu’il reste à parcourir.

Examinons d’abord la situation au plan législatif: il y a eu des avancées significatives en Tunisie quant au principe d’égalité entre les femmes et les hommes à la suite de l’adoption de la nouvelle Constitution. Désormais la femme n’est pas considérée comme «complémentaire» de l’homme. L’article 46 impose l’obligation à l’Etat tunisien de concrétiser ce principe d’égalité. Il faut souligner ici la contribution de la Commission de Venise qui a largement soutenu les aspirations démocratiques du pays.
Au Maroc, cela fait dix ans qu’on entend parler de la «moudawana» – je me rappelle les débats anciens –, le code de la famille, qui avait marqué un progrès majeur pour les droits des femmes. Toutefois son application laisse à désirer: le nombre élevé des mariages de mineurs en est un exemple puisqu’on peut se marier entre 13 et 15 ans. Il reste que la Constitution marocaine a marqué une étape importante en consacrant le principe d’égalité entre les sexes dans son article 19. Il a même été créé une autorité pour la parité et la lutte contre toute forme de discrimination. Cela dit, il faut rappeler que la Tunisie et le Maroc n’ont toujours pas levé leurs réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. En Algérie et en Libye, de nombreux changements ont été introduits dans la loi, mais les inégalités persistent. Comme dans plusieurs pays de la région, la polygamie est désormais légale en Libye alors que, sous l’ancien régime, elle était interdite. Par ailleurs, les conditions pour demander le divorce et l’autorité parentale sont bien plus strictes pour les femmes que pour les hommes.

D’une manière générale, la participation politique des femmes est soutenue dans la région. Il existe plusieurs systèmes de quotas. De même, il est intéressant de noter qu’elles sont nombreuses à poursuivre leurs études. Toutefois – c’est un paradoxe – leur participation à la vie économique reste faible.

L’aggravation de la violence à l’égard des femmes est alarmante même s’il ne faut pas ignorer les progrès déjà réalisés.

Nous avons opéré des modifications législatives similaires en Turquie, il y a quelques années. Cependant, nous savons qu’il est plus facile d’adopter des lois que de changer les mentalités.

Madame Saïdi remarque à juste titre qu’en matière de droits humains, des reculs sont toujours possibles, d’autant que ces pays sont encore dans une période de transition. Nous devons comprendre que des solutions importées d’ailleurs restent sans succès et que ces pays doivent trouver leurs propres voies. Le Conseil de l’Europe sera à leurs côtés et le partage des expériences profitera à toutes les parties.